Les récits de voyage sont de plus en plus présents dans la littérature : des auto-publications nombreuses et des best-sellers en font un genre à part entière. J’en ai moi-même lu des centaines.
Cet article voudrait mettre en lumière, modestement, ce qui fait qu’un récit de voyage est attrayant et intéressant pour la lectrice et le lecteur.
Un peu d’histoire pour commencer :
Pour les plus anciens, vous rappelez-vous les « soirées diapos » 🙂 ? Où l’on passait des heures assis pendant que l’on nous expliquait en long en large et en travers le voyage en caravane de l’oncle Henri et de la tante Mathilde avec des disgressions, des commentaires sur le menu du jour, sur les toilettes du camping… !! Que sais-je 🙂 ?
Aujourd’hui, l’on ne fait plus de soirées diapos mais les blogs de voyage se multiplient de même que les films postés sur YouTube ou Dailymotion sur les « tours du monde » ou autres transhumances seul(e), en famille, à pied, à cheval, en voilier, en camping-car …
La possibilité de se déplacer, de quitter son pays pour en découvrir d’autres s’est complètement démocratisée. Il suffit presque d’avoir l’envie pour poser une « année sabbatique » ou d’économiser un billet d’avion pour partir au bout du monde.
Mais qu’est-ce qui fait que même si l’on a vécu des aventures marquantes, fait des rencontres et des découvertes extraordinaires, le récit de voyage que l’on va en faire va être attrayant et intéressant pour les autres ?
Il y a le style évidemment cela c’est incontournable mais pas besoin d’être prix Nobel de littérature mais simplement d’écrire un français correct et compréhensible. Après, en fonction de son talent on pourra étoffer, avoir un style plus recherché bien sûr…
Et puis il y a le contenu et c’est là ce qui fait toute la différence : voyager c’est bien, décrire ce que l’on voit et où l’on passe oui, mais il faut donner plus pour que le lecteur ou la lectrice accrochent …
C’est sûr que lorsque Mick Horn raconte son tour du monde dans « Latitude Zéro », le contenu même de ses aventures à la limite des possiblités humaines fascine, l’on est captivé et le récit en lui-même peut se suffire tellement il est fou.
Mais nous ne sommes tous pas Mick Horn et nos voyages n’ont pas le côté extraordinaire des siens…
Aussi, à mon sens, le récit de voyage le plus abouti doit apporter des ingrédients divers et doit également impliquer la personne qui voyage.
J’ai lu un jour un récit d’un long voyage en solitaire d’un homme qui ne fait que raconter ce qu’il voit et ce qu’il fait mais ne parle jamais de ses émotions et de son ressenti ou de ses réflexions personnels : c’était une expérience très flippante et j’ai d’ailleurs mis tout de suite un message à cette personne sur son blog (où le côté technique est l’essentiel : que faut-il importer ? quel matériel ? etc.) Cela peut évidemment intéresser les personnes qui projettent de faire la même expérience mais cela se limite à eux.
Ce récit qui aurait pu être captivant était vraiment difficile à lire : il y manquait une âme, celle du voyageur lui-même…
Mais mettre son âme, c’est aussi se dévoiler, accepter de se mettre un peu à nu auprès de ses lecteurs et certains n’y sont pas prêts : il faut mieux alors fait un joli film de ce que l’on a vu et le mettre à disposition…
Les meilleurs récits de voyage sont donc ceux qui allient la rencontre des paysages, des cultures et des personnes (parce que l’on ne peut aussi parler que de soi et c’est assommant) et du voyageur ; une alchimie se crée avec le lecteur qui « rentre alors dans le voyage » avec le narrateur.
Le plus bel exemple est sans doute celui de Bernard Ollivier dans ses trois récits de voyage solitaire sur la route de la soie » Longue Marche ». Il se livre mais est aussi fabuleusement ouvert aux autres, à la rencontre… le voyage est aussi une quête de lui-même. Agrémenté de toutes les péripéties d’un voyage quand même hors normes, on a tout pour que les lecteurs soient captivés : d’ailleurs le succès immédiat de ses livres en est la preuve. Son talent littéraire ne nuit pas non plus à l’ensemble de la trilogie,il faut également le reconnaître.
Il faut un SENS au voyage, des questions à se poser durant son périble, des choses à réaliser, des découvertes intérieures à faire.
Alors, les découvertes et les aventures – un autre continent, d’autres paysages, d’autres mentalités, d’autres manières d’être et de faire et de vivre- vont pouvoir entrer en résonance et interagir avec le voyageur.
Embarqué(e) avec la personne qui voyage, on lira alors avec intérêt comment il a réussi à trouver un abri pour la nuit ou comment il a trouvé une pièce de rechange pour son vélo, on appréciera de le voir trouver de quoi boire ou de quoi manger… L’on sera content du confort qu’il trouvera enfin dans une ville traversée parce qu’on aimera être avec elle ou lui : sa quête, ses découvertes, ses émerveillements, ses galères, ses questions, ses interrogations sur ce qu’il ou elle vit seront les nôtres…
C’est, en fait, comme dans la vie courante : j’ai connu une personne, très bavarde, qui relatait ce qu’elle avait fait en permanence ; hyperactive, tout était sujet à faire et donc à dire. Mais jamais une seule reflexion sur le sens de telle ou telle action ou activité faites : c’était très curieux et destabilisant.
Pour le voyage, il en est de même : voyageur mettez du sens dans vos récits 🙂 !
Tout en soignant votre écriture (pourquoi ne pas se faire aider par quelqu’un dont c’est le talent ?)
Et en sélectionnant judicieusement ce que vous allez raconter en fonction de ce que vous voulez faire passer comme message de fond..