récits de voyage

Mes Recensions de Livres BoD : “une famille un monde” de Florain Antoine

Un récit de voyage ! Voici encore un genre nouveau à explorer dans ces recensions BoD. 

Le livre :
“Une famille un monde” de Florain Antoine édité chez BoD en novembre 2014, format carré, 280 pages, 23.99 euros.

Un belle couverture lumineuse mais on aurait tellement aimé y voir “la famille” du titre 🙂 ! On comprend néanmoins que ce voyage se fait à vélo 🙂 !
Le livre est très joliment illustré et abondamment de photos de très bonne facture ainsi que de cartes pour situer les points de progression.
En commençant le livre on découvre qu’en fait, il s’agit de la compilation d’un blog de voyage que Florian a tenu durant son périple qui réflexion faite, se fera essentiellement en Amérique latine avec un retour en cargo en passant par l’Afrique et l’Europe du nord.  C’est vrai qu’à part un photo “de loin” des quatre membres de la famille, le livre n’explique pas la genèse du voyage et ne décrit pas les voyageurs : on passe directement au récit. Pour en savoir un minimum, il faut lire la quatrième de couverture : Florain a voyagé avec sa femme Carine, et leurs deux filles Zoé, 8 ans et Mahaut, 2ans et demi durant un an. Ils ont parcouru plus de 10 000 km à vélo traversant la Cordillère des Andes de l’Equateur à la Patagonie.
Je vais, pour une fois, faire une recension bâtie sur la forme “les plus” , “les moins”, je n’aime pas trop ce plan que je trouve binaire et un peu abrupt pour décrire un livre mais ici comme il s’agit plus d’une chronique style “blog” d’un récit de voyage et non d’un récit linéaire, ce sera bien adapté.
Alors LES PLUS !! d’abord et avant tout  🙂
– Style très clair, orthographe rien à redire, touches d’humours disséminées de-ci delà, c’est très appréciable à mon goût 🙂 !
Description efficace  et personnelle des pays rencontrés avec un souci de précision, des détails utiles, l’auteur a visiblement fait de gros efforts pour écrire “juste”, il a travaillé son texte, a réfléchi, ce ne sont pas des notes éparses jetées en pluie sur le papier mais bien un souci de faire partager ce qu’il voit, ce qu’il traverse.
– Les photos illustrent bien les paysages traversées, elles ont été réalisées avec soin.
Equateur, Pérou, Bolivie, Argentine, Chili, Patagonie, Buenos Aires et “retour en cargo”, voici les parties du livre : le schéma est limpide, on s’y retrouve.
– Des petites paragraphes de temps à autres qui abordent un point où le voyageur prend de la hauteur sur un sujet : “voyage et politique”, “la pauvreté”, “l’illusion du changement de soi” etc. : j’adore ! (cf mon article précedent).
– J’ai beaucoup aimé également la franchise de l’auteur qui écrit sans tabou : oui, notre démarche est égoïste, on voit la pauvreté mais on ne fait pas d’humanitaire, on passe… c’est un voyage “pour nous” avant tout. Oui, le voyageur connaît la routine (il le décrit très bien), si l’on part pour la fuir , l’on se trompe.
Les moins :
– Essentiellement, que le récit soit écrit uniquement par Florian (le point de vue de Carine aurait été si précieux et essentiel) et surtout le fait qu’il parle pratiquement toujours de la famille avec un “on” indifférencié”.
Les enfants, Florian en parle aussi mais très peu finalement : comment voyage-t-on  dans ces conditions avec un bébé de 2 ans et demi qui n’est pas encore propre, concrètement ?  Quelles réactions des enfants dans les galères  nombreuses, les heures sous la pluie à voir leurs parents souffrir en poussant leur engins les heures dans des bus ou à l’arrière de camions secoués de cahots ?  Enfin, j’ai été frustrée dans ce récit où sûrement par souci de protéger sa vie privée, Florian ne livre que des détails techniques sur les vélos mais surtout pas sur l’ambiance familiale ou alors vraiment très très à la marche (j’ai noté seulement un “on s’engueule” lors de la visite des “pères”, c’est tout) . C’est un écueil majeur qui fait la différence avec un récit qui aurait sinon un véritable succès.

Florian décrit quelquefois quelques brides de vie des enfants (Noël par exemple) mais ne va pas jusqu’au bout du récit (qu’offre-t-on à ses filles à Noël alors que les sacoches sont pleines et qu’il ne faut pas alourdir le chargement ?)
Se remet-on en question si les enfants pleurent sont exténuées, demandent à aller à l’école ou à rester à un endroit ? Comment l’on gère la famille, les relations quotidiennes, faire jouer suffisamment les enfants, leurs donner des espaces “dédiés” pour eux… Enfin, tout cela aurait été passionnant… Et pour finir sur une note amusante : ce devait être Carine qui s’occupait de la lessive 🙂 ! Florian n’en parle jamais 🙂  Pourtant c’est toujours un souci omniprésent pour les voyageurs …

Un grand Merci à Florian donc pour ce beau récit mais 🙂

Allez Carine, Zoé, Mahaut, lancez-vous aussi 🙂 !  Ecrivez, dessinez ou dites votre propre  version d'”un monde, une famille” et refondez le tout avec celle de Florian en un seul grand et beau livre de voyage familial, je suis certaine qu’il aura un beau et grand succès 🙂  ce que vous avez vécu n’est pas banal, faites-nous en profiter aussi 🙂 !

les récits de voyage : un genre littéraire délicat…

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Les récits de voyage sont de plus en plus présents dans la littérature : des auto-publications nombreuses et des best-sellers en font un genre à part entière. J’en ai moi-même lu des centaines.
Cet article voudrait mettre en lumière, modestement, ce qui fait qu’un récit de voyage est attrayant et intéressant pour la lectrice et le lecteur.
Un peu d’histoire pour commencer :
Pour les plus anciens, vous rappelez-vous  les “soirées diapos” 🙂 ? Où l’on passait des heures assis pendant que l’on nous expliquait en long en large et en travers le voyage en caravane de l’oncle Henri et de la tante Mathilde avec des disgressions, des commentaires sur le menu du jour, sur les toilettes du camping… !!  Que sais-je 🙂  ?
Aujourd’hui, l’on ne fait plus de soirées diapos mais les blogs de voyage se multiplient de même que les films postés sur YouTube ou Dailymotion sur les “tours du monde” ou autres transhumances seul(e), en famille, à pied, à cheval, en voilier, en camping-car …
La possibilité de se déplacer, de quitter son pays pour en découvrir d’autres s’est complètement démocratisée. Il suffit presque d’avoir l’envie pour poser une “année sabbatique” ou d’économiser un billet d’avion pour partir au bout du monde.
Mais qu’est-ce qui fait que même si l’on a vécu des aventures marquantes, fait des rencontres et des découvertes extraordinaires,  le récit de voyage que l’on va en faire va être attrayant et intéressant pour les autres ?
Il y a le style évidemment cela c’est incontournable mais pas besoin d’être prix Nobel de littérature mais simplement d’écrire un français correct et compréhensible. Après, en fonction de son talent on pourra étoffer, avoir un style plus recherché bien sûr…
Et puis il y a le contenu et c’est là ce qui fait toute la différence : voyager c’est bien, décrire ce que l’on voit et où l’on passe oui, mais il faut donner plus pour que le lecteur ou la lectrice accrochent …
C’est sûr que lorsque Mick Horn raconte son tour du monde dans “Latitude Zéro”, le contenu même de ses aventures à la limite des possiblités humaines fascine, l’on est captivé et le récit en lui-même peut se suffire tellement il est fou.
Mais nous ne sommes tous pas Mick Horn et nos voyages n’ont pas le côté extraordinaire des siens…
Aussi, à mon sens, le récit de voyage le plus abouti doit apporter des ingrédients divers et doit également impliquer la personne qui voyage.
J’ai lu un jour un récit d’un long voyage en solitaire d’un homme qui ne fait que raconter ce qu’il voit et ce qu’il fait mais ne parle jamais de ses émotions et de son ressenti ou de ses réflexions personnels : c’était une expérience très flippante et j’ai d’ailleurs mis tout de suite un message à cette personne sur son blog (où le côté technique est l’essentiel : que faut-il importer ? quel matériel ? etc.) Cela peut évidemment intéresser les personnes qui projettent de faire  la même expérience mais cela se limite à eux.
Ce récit qui aurait pu être captivant était vraiment difficile à lire : il y manquait une âme, celle du voyageur lui-même…
Mais mettre son âme, c’est aussi se dévoiler, accepter de se mettre un peu à nu auprès de ses lecteurs et certains n’y sont pas prêts : il faut mieux alors fait un joli film de ce que l’on a vu et le mettre à disposition…
Les meilleurs récits de voyage sont donc ceux qui allient la rencontre des paysages, des cultures et des personnes (parce que l’on ne peut aussi parler que de soi et c’est assommant) et du voyageur ; une alchimie se crée avec le lecteur qui “rentre alors dans le voyage” avec le narrateur.
Le plus bel exemple est sans doute celui de Bernard Ollivier dans ses trois récits de voyage solitaire sur la route de la soie ” Longue Marche”. Il se livre mais est aussi fabuleusement ouvert aux autres, à la rencontre…  le voyage est aussi une quête de lui-même. Agrémenté de toutes les péripéties d’un voyage quand même hors normes, on a tout pour que les lecteurs soient captivés : d’ailleurs le succès immédiat de ses livres en est la preuve. Son talent littéraire ne nuit pas non plus à l’ensemble de la trilogie,il faut également le reconnaître.
Il faut un SENS au voyage, des questions à se poser durant son périble, des choses à réaliser, des découvertes intérieures à faire. 
Alors, les découvertes et les aventures – un autre continent, d’autres paysages, d’autres mentalités, d’autres manières d’être et de faire et de vivre- vont pouvoir entrer en résonance et interagir avec le voyageur.

Embarqué(e) avec la personne qui voyage, on lira alors avec intérêt comment il a réussi à trouver un abri pour la nuit ou comment il a trouvé une pièce de rechange pour son vélo, on appréciera de le voir trouver de quoi boire ou de quoi manger… L’on sera content du confort qu’il trouvera enfin dans une ville traversée parce qu’on aimera être avec elle ou lui : sa quête, ses découvertes, ses émerveillements, ses galères,  ses questions, ses interrogations sur ce qu’il ou elle vit seront les nôtres…
C’est, en fait, comme dans la vie courante : j’ai connu une personne, très bavarde, qui relatait ce qu’elle avait fait en permanence ; hyperactive, tout était sujet à faire et donc à dire. Mais jamais une seule reflexion sur le sens de telle ou telle action ou activité faites : c’était très curieux et destabilisant.
Pour le voyage, il en est de même : voyageur mettez du sens dans vos récits 🙂 !
Tout en soignant votre écriture (pourquoi ne pas se faire aider par quelqu’un dont c’est le talent ?)
Et en sélectionnant judicieusement ce que vous allez raconter en fonction de ce que vous voulez faire passer comme message de fond..